LE MRQ CONDAMNÉ À VERSER UNE PROVISION POUR FRAIS POUR APPARENCE D’ABUS
GROUPE ENICO INC. ET JEAN-YVES ARCHAMBAULT c. SOUS-MINISTRE DU REVENU ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC
M. Archambault personnellement et au nom de sa Compagnie Enico poursuit en dommages-intérêts et dommages punitifs le MRQ et le procureur général du Québec pour plus de 12 000 000$ pour atteintes en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
Dans la cadre de ce recours, les demandeurs présentent une requête pour notamment ordonner aux défendeurs de payer à la demanderesse Groupe Enico inc. une somme de 325 404,12 $ à titre de provision pour frais.
La Requête fût accordée pour la provision, avec dépens!
Quels sont les faits de cette affaire? Tout débute en 2006 lorsque le MRQ, perdant la trace d’un paiement de 10 962.59$ effectué par le service de paie de Enico, transfère le dossier d’Enico à leur Centre de perception fiscale.
Les agents du MRQ contactent le demandeur M. Archambault, en 2006, pour effectuer des vérifications, ce qui donne lieu à plusieurs rencontres et sessions de travail. Il s’ensuit plusieurs projets d’avis de cotisation pour des montants de TPS et TVQ qui atteignent, en 2007, un total de TPS et TVQ dus de 452 730.60$.
Une note interne du service de perception daté du 31 octobre 2007 (….) mentionne que les avis de cotisations sont erronés et devraient être réduits, étant donné que les revenus supposément non déclarés seraient réduits à 50 000$.
Pour l’année 2007, le MRQ retient environ 359 000$ de crédits d’impôt dus pour l’année 2006, ce qui occasionne pour Enico une situation financière difficile.
Malgré que le paiement 10 962.59$ de Enico est retracé en août 2007 et qu’il y a constatations d’erreurs dans le calcul des avis de cotisation, d’autres avis de cotisation sont émis par le MRQ en 2008. Un mois plus tard, le MRQ saisit en main tierce le compte de banque d’Enico pour la somme de 261 049,06$ alors que 8 jours avant, le MRQ avait transmis par erreur un avis de saisie pour la somme de 395 217,06$. Trois jours plus tard, mainlevée de la saisie est effectuée par le MRQ. Le tort est cependant déjà fait puisque le lendemain de la saisie, la banque rappelait son prêt. La situation financière déjà précaire d’Enico ne lui permettait plus, sans marge de crédit, de faire face à la tempête. De nombreux clients et partenaires mettent fin à leurs relations d’affaires, certains employés quittent l’entreprise. Enico dépose une proposition concordataire en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité au printemps 2008.
Dans cette affaire, le juge a retenu la négligence ou la témérité du MRQ dans l’agissement de ses représentants, ce qui a été interprété par le tribunal comme étant suffisant pour constituer une apparence d’abus qui justifie l’application d’une sanction au MRQ, au stade provisoire, sur la pertinence de condamner le MRQ à assumer les frais juridiques en cours et à venir des demandeurs.
Les dispositions des articles 54.1 et suivants du Code de procédure civile permettent, lorsqu’il y a abus ou apparences d’abus, de prononcer une sanction contre la partie qui agit de manière abusive. L’abus, interprété de manière large peut résulter d’acte de procédure manifestement mal fondée, frivole ou dilatoire ou d’un comportement vexatoire ou quérulent.
Le fondement de l’article est de favoriser l’accès à la justice pour tous les citoyens et de veiller à favoriser un meilleur équilibre dans les forces économiques des parties à une action en justice. Le juge a voulu rééquilibrer les forces pour permettre à Enico de faire face au procès d’une durée de 13 jours prévue en plus du versement de 25 000$ qu’Enico devra effectuer pour honorer sa proposition concordataire ce 25 mars 2012.
M. Archambault aurait donc le budget nécessaire pour poursuivre son recours. Le présent jugement n’étant pas exécutoire nonobstant appel, reste à savoir si le MRQ en appellera de la décision, ce qui aurait pour conséquence de suspendre le paiement de la provision pour frais. Monsieur Archambault pourrait donc devoir se représenter en Cour d’appel avant la tenue du procès sur sa requête en dommages-intérêts.
Ce jugement nous apparaît important dans le cadre des recours contre les instances gouvernementales ayant des ressources considérables en comparaison du contribuable. Ainsi, dans les cas où les fondements juridiques du recours semblent être fortement établis, le tribunal pourra accorder au contribuable que ses frais juridiques soient assumés par les défendeurs dans le cadre du recours contre ce dernier. La conséquence de cette décision est que dorénavant les contribuables victimes d’abus qui renonçaient à entreprendre des recours pour des raisons d’insuffisance économique à l’encontre d’une machine gouvernementale aux ressources quasi illimitées pourront maintenant faire une demande de provision pour frais en amont du recours.
Me Myriam Bélanger
Avocate fiscaliste
*** Nous vous référons à notre nouvelle du 2011.11.11. pour la décision du MRQ d’appeler de ce jugement à la Cour d’appel.